24/10/2025

Cookies et plateformes : comment s'adapter aux derniers changements réglementaires en France ?

Pourquoi la réglementation des cookies évolue-t-elle si vite ?

En dix ans, la façon dont les sites français gèrent les cookies a radicalement changé. Ce n’est pas un caprice, mais une réponse à la complexité croissante du tracking, au poids économique de la donnée et à la pression constante pour mieux protéger la vie privée des internautes. L'entrée en vigueur du RGPD en 2018 a mis la question des cookies sous le feu des projecteurs, suivie par des précisions et des sanctions de plus en plus concrètes de la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés).

En 2024, l’attention portée aux cookies ne faiblit pas, bien au contraire. En toile de fond, l’Europe avance vers un ePrivacy Regulation très attendu, alors que les associations de consommateurs surveillent de près les pratiques publicitaires. Selon une étude du Baromètre de la CNIL publiée en 2023, près de 70 % des sites français testés affichaient encore des manquements au consentement éclairé. Face à ce constat, la réglementation s’affine et les contrôles se renforcent.

Que dit la réglementation française sur les cookies en 2024 ?

La France applique une double exigence qui résulte du RGPD et de la directive ePrivacy. Les dernières lignes directrices de la CNIL, actualisées fin 2023, précisent plusieurs points essentiels :

  • Le consentement préalable est obligatoire pour tout cookie non strictement nécessaire, publicité ou analytics compris sauf exception.
  • L’information à délivrer doit être claire, complète, visible d’emblée, accessible à tout moment.
  • Le refus doit être aussi simple et visible que l’acceptation ("Refuser tout" au même niveau que "Tout accepter").
  • La preuve du consentement incombe à l’éditeur du site, archiver les choix de l’utilisateur est indispensable.

Des points techniques continuent à faire débat, comme le traitement des cookies déposés par des scripts tiers, les traceurs server-side ou la frontière entre analytics "simples" (exempts de consentement dans certaines conditions) et solutions commerciales.

Sanctions et contrôles : des chiffres à retenir

  • En 2022, la CNIL a prononcé plus de 100 millions d’euros de sanctions liées aux cookies (source : CNIL, rapport annuel 2022).
  • Google et Facebook ont écopé, à eux seuls, de près de 210 millions d’euros d’amende pour “difficultés à refuser les cookies”.
  • En 2023, la CNIL a contrôlé près de 300 sites et apps sur cette thématique, la majorité ayant été mise en conformité suite à une injonction.

Les nouveautés 2024 sur les cookies : ce qui change (et ce qui ne change pas)

  • Anonymisation et analytics exemptés : La CNIL clarifie que des solutions d’analytics configurées sans stockage d’IP complète, ni export hors UE, ni recoupement de navigation, peuvent être exemptées de consentement. Exemples : Matomo configuré en mode "exempté", AT Internet, etc.
  • Dark patterns et design du bandeau : Depuis 2023, puis tout au long de 2024, de nouveaux contrôles ciblent les manipulations d’interface visant à forcer le consentement (couleurs trompeuses, faux “X”, empilement d’options). Ces pratiques sont désormais sanctionnées.
  • Bifurcation vers le consentement global (TCF v2.2) : L’IAB et Google veulent désormais imposer des standards globaux d’opt-in / opt-out, notamment via le Transparency & Consent Framework. La CNIL s’accorde avec cet encadrement… si l’utilisateur a une vraie granularité de choix.
  • Cookies walls sous surveillance : Interdire l’accès à certains contenus sans consentement cookies reste interdit, sauf si une alternative réellement équivalente est proposée. Les paywalls ou "trackwalls" sont explicitement visés.

Consentement cookies : comment le recueillir concrètement en 2024 ?

Le process est plus strict, mais reste simple à résumer :

  1. Bandeau d’information s’affichant immédiatement lors de la première visite (pas de défilement avant le choix possible).
  2. Détail facile d’accès sur chaque catégorie de cookies et les tiers impliqués.
  3. Boutons d’acceptation et de refus également visibles et accessibles d’un clic.
  4. Une preuve de consentement conservée (avec date, choix effectués, version du bandeau, etc.).
  5. Possibilité de tout modifier à tout moment via un simple lien ou bouton “Gérer mes cookies”, affiché en permanence (footer ou header).

Recueillir un consentement "valide" : check-list à adopter

  • Aucune case pré-cochée
  • Une durée de validité maximum de 6 mois recommandée (mais pas obligatoire)
  • Un historique du consentement (pour chaque utilisateur, anonymisé ou pseudonymisé)
  • Des cookies non déposés avant le choix (sauf ceux “strictement nécessaires”)

Quelles conséquences pour les sites internet et plateformes digitales ?

S’adapter à cette réglementation n’est pas un effort purement formel. Elle implique souvent une refonte technique, un dialogue avec les solutions tierces (tags managers, serveurs d’analytics, etc.), et une veille juridique constante.

  • Impact business : Les taux d’acceptation des cookies publicitaires baissent, particulièrement sur mobile (étude Didomi, 2023 : moins de 50 % des visiteurs mobiles acceptent l’ensemble des cookies sur les sites d’actualités français).
  • Politique de monétisation : Les éditeurs de sites explorent les modèles alternatifs comme l’abonnement, les contenus sponsorisés “in-page” et l’augmentation de la valeur du trafic consentant.
  • Nouveaux outils : Le marché des solutions de Consent Management Platform (CMP) explose — Didomi, OneTrust, Axeptio sont désormais incontournables. Ces outils permettent de gérer les choix utilisateurs, la preuve de consentement, et d’automatiser le blocage/déblocage des tags.

Exemple concret : la mise en conformité chez un e-commerçant français

  • Audit des scripts et des cookies présents sur chaque page (avec outils comme Cookiebot ou Axeptio)
  • Refonte du bandeau, avec trois boutons "Tout accepter", "Tout refuser", "Personnaliser"
  • Archivage chiffré des consentements dans un registre dédié
  • Revue annuelle des outils analytics utilisés (Google Analytics 4, Matomo, etc.) et adaptation des configurations

Google Analytics, Meta Pixel, solutions US : le casse-tête des transferts de données

La question de la conformité n'est jamais seulement nationale. Si votre site utilise Google Analytics ou Meta Pixel, la gestion des transferts de données vers les États-Unis reste sensible. Les autorités françaises rappellent régulièrement la nécessité :

  • D’informer sur les destinataires en dehors de l’UE
  • D’obtenir un consentement explicite pour tout cookie/service transférant des données aux USA
  • D’adopter des mesures de pseudonymisation ou d’anonymisation, ou d’envisager des alternatives européennes comme Matomo ou AT Internet

Le Data Privacy Framework ONG-UE de juillet 2023 a (momentanément) sécurisé ces transferts, mais l’incertitude juridique persiste. Source : CNIL

Mesures courantes de mise en conformité pour 2024

  • Mettre à jour la politique de confidentialité et la politique cookies, en versions responsive et mobile-friendly.
  • Auditer l’ensemble des partenaires tiers (régies, plugins, modules, extranet B2B…)
  • Sensibiliser équipes marketing, IT et data à la réglementation et aux bonnes pratiques (atelier, check-list, automatisations).
  • Planifier des contrôles annuels et archivages des preuves de consentement.

Outils & ressources pour rester à jour

  • CNIL - Guide cookies & autres traceurs : https://www.cnil.fr/fr/cookies-et-autres-traceurs
  • EDPB - Lignes directrices sur le consentement : https://edpb.europa.eu/
  • Outils d’audits gratuits : Cookiebot (audit limité), Axeptio Cookie Scanner
  • Outils de gestion de consentement : OneTrust, Didomi, Axeptio, Cookiebot
  • Keep In Privacy : newsletter indépendante sur la protection des données

À quoi s’attendre pour les années à venir ?

Transparence accrue, automatisation du recueil du consentement, lutte renforcée contre les dark patterns, mais aussi innovations algorithmiques pour limiter la dépendance aux cookies : la réglementation sur les traceurs deviendra, chaque année, plus précise… et plus technique. Impossible de penser sa stratégie digitale sans suivre ce chantier, car il conditionne la confiance des clients, la capacité à exploiter une data éthique, et souvent la capacité même à afficher de la publicité programmatique. Pour rester serein : privilégier la veille qualifiée, l’audit régulier, et choisir des outils testés et accompagnés. Pour un site web, anticiper la gestion fine des traces numériques sera bientôt aussi fondamental que la maîtrise de son SEO.

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