05/10/2025

Nouveaux défis RGPD et réglementaires : ce que 2024 réserve aux acteurs du digital français

L’année décisive : le paysage réglementaire du digital en plein bouleversement

Six ans après son entrée en application, le RGPD continue d’impacter l’écosystème digital, mais il n’est plus seul à façonner les obligations des entreprises du numérique. Ces derniers mois, plusieurs réformes majeures sont venues enrichir – ou complexifier – la donne :

  • Loi européenne sur les services numériques (DSA), entrée pleinement en vigueur en février 2024.
  • Loi sur les marchés numériques (DMA), applicable aux « gatekeepers » du net depuis mars 2024.
  • Nouvelles lignes directrices CNIL sur les cookies et le consentement, janvier 2024.
  • Premières sanctions françaises liées à l’inadéquation du privacy by design.
  • Avancées sur la régulation de l’intelligence artificielle avec l’AI Act (examiné au Parlement en 2024).

Pour donner une idée de l’accélération, la CNIL indique une augmentation de 35% des mises en demeure sur le RGPD en 2023, avec un nombre record de plaintes reçues : plus de 15 000, contre 12 000 en 2022 (source : CNIL).

Le RGPD en 2024 : obligations, sanctions, et priorités d’action

Si la plupart des entreprises pensent avoir (plus ou moins) intégré les obligations du RGPD, beaucoup restent exposées. Pourquoi ?

  • De nouvelles sanctions tombent pour des manquements sur des points initiaux (registre des traitements, information incomplète, absence de DPO…).
  • Les contrôles s’intensifient sur des secteurs précis : adtech, e-commerce, start-up de la santé, plateformes éducatives.
  • La CNIL adapte ses outils : nouvelle version du guide du DPO, FAQ dédiée aux start-ups (mars 2024).

Sanctions : un cap franchi en France et en Europe

  • Amende record de 60 millions d’euros contre Criteo (adtech) pour absence de consentement valide dans la publicité ciblée (juin 2023).
  • Le secteur du retail aussi touché : Yves Rocher a écopé d’une sanction à 2 millions d’euros pour défaut de gestion des droits d’accès (juin 2023).
  • Au niveau européen, Meta a reçu 390 millions d’euros d’amende pour absence de base légale sur la publicité comportementale (janvier 2023 – source CNIL).

Ces chiffres démontrent un changement d’échelle : le « risque RGPD » ne concerne plus simplement les GAFAM, mais touche de plus en plus d’acteurs moyens et locaux.

Priorités et sujets émergents pour la CNIL en 2024

  • Protection des mineurs : renforcement des exigences d’âge et de consentement parental dans l’éducation et les apps sociales.
  • Cybersécurité : l’articulation entre RGPD et obligations de sécurité (NIS 2, transposée en France en 2024).
  • Dark patterns : premiers contrôles sur la manipulation des interfaces pour obtenir le consentement (design trompeur).
  • IA & décisions automatisées : focus sur la transparence, logique des algorithmes et recours en cas de décision refusée ou litigieuse.

À surveiller : la CNIL a lancé en avril 2024 une consultation publique pour renforcer l’encadrement des cookies tiers et du programmatique, alors même que Google repousse la fin des cookies à 2025.

L’application pratique : que faire en 2024 pour être conforme ?

Quels axes concrets privilégier pour répondre à la fois aux obligations RGPD et aux nouveaux textes ? Voici une feuille de route pragmatique :

  1. Auditer la cartographie des traitements.
  2. Repasser les modalités de recueil du consentement (cookie banner, formulaires… cf. dernières recommandations CNIL).
  3. Vérifier les mécanismes de gestion des droits (accès, opposition, portabilité) – cas Yves Rocher : danger à sous-estimer.
  4. Actualiser la politique de confidentialité et les mentions d’information en fonction des « privacy notices » adaptées aux nouveaux usages.
  5. S’assurer que la sécurité digitale est alignée sur les nouvelles obligations (NIS 2), notamment pour les PME du SaaS ou de l’e-santé.
  6. Former les équipes : des outils comme le MOOC de la CNIL ou ceux de l’ANSSI sont mis à jour en 2024.
  7. Documenter le privacy by design, notamment si votre service intègre IA, analyse comportementale, ou traitement de mineurs.

Nouveaux cadres européens : DSA, DMA, AI Act… comment s’articulent-ils avec le RGPD ?

DSA – Digital Services Act

Depuis février 2024, le DSA impose à toutes les grandes plateformes (et progressivement les autres) des obligations spécifiques :

  • Transparence renforcée sur les publicités (identification de l’annonceur, justification du ciblage).
  • Modération des contenus et traitement des signalements : reporting, accès aux équipes content moderation.
  • Registre public des publicités diffusées et droits d’opposition accrus.

Attention : le DSA réclame la désignation d’un point de contact légal dans l’UE, y compris pour des start-ups françaises opérant à l’international.

DMA – Digital Markets Act

  • Destiné principalement aux “gatekeepers” (Google, Apple, Meta…) mais l’impact se diffuse : accès facilité aux données pour les utilisateurs, portabilité avancée, interdiction de certaines pratiques anti-concurrentielles.
  • Effet de ruissellement sur toute la chaîne SaaS/Adtech qui co-travaille avec ces plateformes : à intégrer dans vos analyses de conformité.

AI Act et décisions automatisées

  • L’AI Act prévoit une classification des systèmes IA selon leur niveau de risque. Les obligations clés (biais, recours humain, transparence) viendront compléter les exigences RGPD (art. 22, décisions automatisées).
  • Pilotez vos traitements IA comme un “projet RGPD spécifique”.
    • Cartographie des usages IA, registre articulé avec le DPO.
    • Audit des bases légales, documentation des algorithmes.

Cas récents et jurisprudence marquante en France

Quelques arrêts et décisions 2023-2024 à intégrer dans votre veille :

  • Sanction “urgente” en e-commerce : Un e-commerçant a été sanctionné par la CNIL pour n’avoir pas répondu sous 30 jours à une demande d’effacement, alors que le traitement était externalisé à un prestataire. Cet arrêt oblige à clarifier les SLA (Service Level Agreement) avec vos sous-traitants.
  • Photos de salariés sur les réseaux : Décision de la CNIL mettant en cause une agence digitale ayant publié sur LinkedIn des photos de collaborateurs sans consentement écrit. Même pour une communication RH, le consentement explicite est obligatoire depuis 2023 (LegalIs).
  • Crowdsourcing de données santé : Plusieurs start-ups healthtech sanctionnées pour absence de chiffrement sur des données collectées lors de bêta tests. L’affaire s’est soldée par un rappel à l’ordre mais pose la question de la sécurité “by design” y compris en phase MVP.

Technologies et outils : s’adapter rapidement

  • Gestion des cookies et trackers : Les solutions historiques (Cookiebot, Axeptio…) se sont adaptées aux nouveaux patterns imposés par la CNIL (refus aussi simple qu’acceptation, paramétrage granulaire). Privilégiez les outils qui gardent une traçabilité fine des consentements (logs CSV exploitables en cas de contrôle).
  • Outils de privacy management (OneTrust, DataGalaxy) : Ils facilitent la cartographie, la gestion des droits et la documentation des impacts, nécessaires pour répondre aux audits CNIL de plus en plus techniques.
  • Chiffrement end-to-end des données : Sur les messageries (Proton, Tutanota) et l’analytics (Matomo) pour gérer la donnée française et européenne sur sol « sûr » en post-Privacy Shield (voir CNIL).

Et demain ? Les points de vigilance à surveiller en 2025

  • Fin des cookies tiers : Après plusieurs annonces, Google prévoit une généralisation pour 2025. Prévoyez des stratégies “server-side” ou cookieless analytics et analysez vos dépendances à l'écosystème publicitaire classique.
  • Encadrement de l’IA générative : L’AI Act devrait être définitivement adopté fin 2024 / début 2025 et imposer des “paliers d’évaluation” pour chaque projet IA, au-delà du RGPD.
  • Transparence des algorithmes : La tendance est à l’auditabilité : documentation claire, recours humain, automatisation du droit à l’explication.
  • Cybersécurité et certification de conformité : Après NIS 2 (2024), de nouvelles obligations de reporting d’incident ou de certification ISO 27001 pourraient devenir la norme en PME technologique.

À retenir pour structurer une gouvernance digitale solide

  • La conformité RGPD n’est plus un projet ponctuel mais un processus à intégrer à chaque niveau de développement, marketing comme IT.
  • Les nouveaux textes européens (DSA, DMA, AI Act) exigent de faire évoluer la gouvernance, même pour les acteurs qui ne sont pas directement des “gatekeepers”.
  • La tendance à la documentation, à la traçabilité et à la gestion proactive des risques se confirme, en France comme chez les voisins européens.

Adopter une culture de l’anticipation réglementaire, c’est se donner les moyens de gagner la confiance client, mais aussi d’éviter des sanctions financières ou réputationnelles de plus en plus concrètes. L’audit régulier, la formation des équipes et la documentation évolutive (registre, alertes, politique de confidentialité) deviennent des réflexes essentiels pour piloter la conformité… et transformer la contrainte en levier de confiance.

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