27/10/2025

Données personnelles et e-business en France : le Guide pratique des obligations légales

L’évidence du digital : des données partout, tout le temps

L’e-business en France explose. Rien qu’en 2023, la Fevad annonce un chiffre d’affaires record de 146,9 milliards d’euros pour l’e-commerce français. Mais derrière chaque panier validé, chaque inscription à une newsletter ou chaque clic sur une publicité, une donnée personnelle est collectée, traitée, stockée. Une évidence ? Oui. Pourtant, la gestion et la protection de ces informations restent le premier défi légal pour les acteurs du numérique : e-commerçants, plateformes, market places, start-ups SaaS ou infopreneurs.

Face à des consommateurs toujours plus soucieux de leur vie privée, et des régulateurs de plus en plus stricts, quelles sont donc les obligations concrètes à ne jamais négliger ? Voici la feuille de route pour piloter sereinement le risque légal tout en respectant la confiance des internautes.

Ce qu’on entend par “donnée personnelle” : l’importance de bien définir le sujet

Avant de plonger dans la réglementation, il faut clarifier ce qu’est une donnée personnelle au sens du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) :

  • Toute information permettant d’identifier directement ou indirectement une personne physique.
  • Exemples : nom, prénom, adresse mail, téléphone, adresse IP, cookies liés à un utilisateur, identifiant client, données de navigation…
  • Les “données sensibles” (orientation politique, santé, etc.) relèvent d’un régime renforcé.

Ce champ est très large : en pratique, plus de 90% des sites e-commerce collectent des données personnelles à la simple visite (source : CNIL).

Le RGPD, la référence incontournable pour le e-business en France

Applicable depuis 2018, le RGPD s’impose à toutes les structures traitant des données de résidents européens, même hors de l’UE. Ses principes fondateurs sont simples mais contraignants :

  1. Licéité et transparence : la collecte doit reposer sur une base légale clairement expliquée.
  2. Finalité : ne collecter que pour des usages précis et explicitement annoncés.
  3. Minimisation : limiter les données à ce qui est strictement nécessaire.
  4. Conservation limitée : ne pas garder les données indéfiniment.
  5. Sécurité : protéger activement les données contre les fuites et accès non autorisés.

Les bases légales : le socle de toute collecte

  • Consentement (ex: inscription à une newsletter, prospection)
  • Exécution du contrat (ex: traitement d’une commande, livraison)
  • Obligation légale (ex: facturation, comptabilité)
  • Intérêt légitime (ex: lutte contre la fraude, analyse de performance, sous réserve de préserver les droits des personnes concernées)

À noter : le consentement doit être libre, spécifique, éclairé et prouvé. Un check-box pré-cochée ? Interdit.

Quelles obligations précises pour les sites e-business ?

  • Informer clairement les utilisateurs

Chaque acteur doit publier une politique de confidentialité détaillée, visible et compréhensible, détaillant :

  • Les types de données collectées
  • Leur finalité
  • Les bases légales associées
  • Leur durée de conservation
  • Le droit d’accès, de rectification, d’effacement, de limitation, d’opposition et de portabilité
  • Les coordonnées du Délégué à la Protection des Données (DPO) si nécessaire

Exemple : Doctolib ou Le Bon Coin proposent sur leur page d’accueil un lien clair vers leur politique de confidentialité, détaillant l’ensemble de ces éléments.

  • Gérer les demandes des personnes concernées

Toute personne peut demander à accéder, rectifier ou supprimer ses données. Les entreprises doivent :

  1. Répondre sous 1 mois maximum
  2. Faciliter la démarche (formulaire, adresse électronique dédiée…)

La sanction tombe rapidement si la procédure est inexistante, ou si la réponse tarde : Google, Amazon, EDF ou Carrefour ont été sanctionnés par exemple pour non-conformité à la gestion des droits.

  • Encadrer la sous-traitance

Dès que vous confiez des données à un prestataire (hébergement, emailing, support, analytics…), vous êtes « responsable de traitement » et lui « sous-traitant ». Un contrat doit fixer précisément les obligations de sécurité et conformité.

  • Tenir un registre des traitements

Obligatoire pour tout professionnel, ce registre recense chaque type de traitement (commande, marketing, service client, etc.), les données utilisées, leur base légale, les destinataires, et les durées de conservation.

  • Sécuriser ses systèmes informatiques

Le RGPD exige des « mesures de sécurité appropriées ». Selon la CNIL, 39% des violations signalées en 2023 faisaient suite à la négligence basique (mot de passe faible, accès non contrôlés, appareils personnels non sécurisés).

  • Notifier les violations de données

En cas de fuite ou d’accès illégal, informer la CNIL sous 72 heures est impératif. Dans les cas les plus graves (risque élevé pour les personnes), les personnes concernées doivent également être notifiées.

Et les cookies dans tout ça ? La spécificité du e-business

Depuis la mise à jour des lignes directrices de la CNIL (2020), aucun cookie non strictement nécessaire (analytics, publicité, réseaux sociaux…) ne peut être activé sans consentement exprès.

  • Le consentement doit pouvoir être donné ou refusé avec le même niveau de simplicité.
  • La preuve du consentement doit être gardée 6 mois.
  • L’usage des “cookie walls” reste très encadré.

Attention : en 2022, plus de 85% des sites français contrôlés par la CNIL étaient encore non conformes (source : CNIL).

Les risques concrets du non-respect du RGPD

La CNIL multiplie les contrôles, avec un pouvoir de sanction qui commence à peser :

  • Amendes allant jusqu’à 20 millions d’euros ou 4% du CA mondial annuel
  • Notification publique des sanctions (atteinte à l’image difficile à réparer)
  • Obligation de cesser le traitement litigieux, voire retrait de la base clients

Quelques exemples récents :

  • 2021 : Google condamné à 150 millions d'euros pour des paramétrages de cookies non conformes
  • 2022 : Dedalus Santé (éditeur de logiciels médicaux) : 1,5 million d’euros pour défaut de sécurisation des données de santé
  • 2024 : Amazon France sanctionné pour pratiques commerciales trompeuses autour de l’utilisation des données
(Source : CNIL)

Les outils et pratiques recommandés pour la conformité

Mettre en œuvre le RGPD n’est pas que du juridique. Les outils et bonnes pratiques sont nombreux pour se mettre à jour sans complexité excessive.

  • Bannière de gestion des cookies conforme : Cookiebot, Axeptio, TarteAuCitron sont testés et validés par de nombreux experts RGPD.
  • Générateurs de registres de traitement : Data Legal Drive, MyDPO, ou le modèle gratuit de la CNIL.
  • Plug-ins d’anonymisation des IP sur Google Analytics (si utilisé en configuration européenne).
  • Audit de vos partenaires (Mailchimp, Stripe, AWS, Shopify…) pour vérifier leur conformité
  • Formation régulière des équipes à la sécurité des données et à la gestion des droits.

Astuce : commencez par une cartographie de vos traitements, pour visualiser où les données personnelles transitent et se stockent, puis priorisez les mesures.

L’avenir : évolutions, enjeux et perspectives

L’obligation de protection des données est appelée à se renforcer encore. Des textes comme le Digital Services Act (DSA), le Digital Markets Act (DMA), ou la future loi européenne sur l’IA (AI Act) vont s’ajouter à la panoplie réglementaire. L’objectif affiché est double : garantir la confiance des consommateurs, et encourager l’innovation sur des bases éthiques.

Le paradoxe du e-business moderne : collecter mieux, prioriser la qualité sur la quantité, et chercher l’innovation dans la transparence. En posture de veille active, surveillez aussi les décisions de la CNIL et de la Cour de Justice de l’UE, qui précisent au fil du temps les contours pratiques de vos obligations.

En définitive, la conformité n’est plus vécue comme une contrainte, mais comme un atout business au service de la confiance et de la différenciation. Les acteurs qui posent dès aujourd’hui les briques d’une stratégie “RGPD native” prendront une longueur d’avance.

Pour aller plus loin :

  • CNIL – Dossiers, guides, outils pratiques et modèles gratuits.
  • Fevad – Études sur le e-commerce français et impact de la réglementation.
  • Ministère de l’Économie (guide entreprises – RGPD au quotidien).

En savoir plus à ce sujet :

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