10/11/2025

La gouvernance des données : pilier de la conformité numérique en France et en Europe

Comprendre la gouvernance des données : bien plus qu’une question technique

La data occupe aujourd’hui une place centrale dans les stratégies des entreprises, des administrations et de l’économie européenne. La gouvernance des données ne se limite plus à une question de stockage ou de technologie : c’est un ensemble de politiques, de processus et de contrôles pour garantir la qualité, la sécurité, la conformité et l’éthique de la donnée tout au long de son cycle de vie.

En France et dans l’UE, la gouvernance des données s’impose comme un levier de compétitivité mais aussi comme une nécessité réglementaire, face à la montée en puissance des exigences autour de la vie privée, de la sécurité et de la transparence.

Pourquoi la gouvernance des données s’impose dans la réglementation : contexte et chiffres clés

  • Explosion du volume de données : Selon IDC, le volume des données générées mondialement double tous les deux ans. En 2025, l’Europe représentera près de 20 % du datasphere mondial (IDC).
  • Hausse des cybermenaces : L’ANSSI a rapporté une hausse de 37 % des attaques majeures en France en 2023 (ANSSI).
  • Multiplication des régulations : 90 % des organisations européennes anticipent des difficultés de conformité liées à la diversité des réglementations (PwC, 2023).
  • Pression des citoyens : 67 % des Européens expriment de la méfiance vis-à-vis du partage de leurs données par les entreprises (Eurobaromètre, 2023).

Le contexte est clair : le volume et la valeur stratégique des données montent, les risques explosent, et la société civile réclame toujours plus de garanties. L’État français, suivi par les instances européennes, a donc renforcé l’arsenal légal.

Les grandes lois et initiatives : ce que dit la réglementation

Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD)

Adopté en 2016, le RGPD (règlement 2016/679) pose le cadre : consentement, droit à l’oubli, portabilité, minimisation des données, privacy by design… Il impose des obligations strictes, dont la nomination d’un Délégué à la Protection des Données (DPO) pour des structures ciblées, la tenue de registres de traitement, et un devoir de notification en cas de fuite.

En 2023, la CNIL a infligé des amendes records : 100 millions d’euros à Google, 60 millions à Facebook pour non-respect des règles sur les cookies artificiellement complexes (CNIL).

Data Governance Act (DGA) & Data Act

Deux textes structurants adoptés par l’UE entre fin 2022 et 2023 :

  • Data Governance Act : Facilite le partage de données publiques, personnelles ou sensibles entre entreprises, organismes, recherche et administrations, tout en imposant un cadre robuste de gestion des accès, anonymisation, et redéfinition des responsabilités (source : EUR-Lex).
  • Data Act : Va plus loin sur la portabilité et la gouvernance des données issues de l’IoT et des services cloud, et attribue de nouveaux droits aux entreprises et particuliers sur la circulation et la valorisation des data (Digital Strategy EU).

Ces lois structurent un "espace européen des données" souverain, sécurisé, où la gouvernance devient la clé de voûte de la conformité pour tout acteur opérant ou ciblant l’UE.

Autres textes et initiatives marquantes

  • Cloud de confiance « SecNumCloud » : Agrément français porté par l’ANSSI imposant un haut niveau de sécurité et de gouvernance sur l’hébergement et le traitement des données sensibles.
  • Loi Informatique et Libertés : Dernièrement renforcée, elle complète le RGPD au niveau national avec des exigences supplémentaires.
  • Directive NIS2 : Vise la résilience et la gouvernance des systèmes d’information critiques (cybersécurité, gestion des incidents, etc.).

Pourquoi cette centralité de la gouvernance ? Enjeux majeurs pour les organisations

La réglementation européenne veut faire du marché unique une zone sûre et de confiance. Mais pourquoi positionner la gouvernance au centre ?

  • Conformité réglementaire et éviter les sanctions : Les sanctions RGPD peuvent atteindre 4 % du CA mondial ou 20 millions d’euros, selon le montant le plus élevé. Non-conformité signifie aussi dommages réputationnels et pertes commerciales.
  • Sécurité, prévention des fuites, cyberattaques : Une politique claire de gouvernance contient les risques et accélère la réaction en cas d’incident.
  • Transparence et traçabilité : Désormais, chaque étape du traitement doit être explicitée, documentée et justifiée. Transparence exigée aussi envers les partenaires et les clients.
  • Valorisation des données : Difficile d’innover, d’explorer l’IA ou la data science sans une cartographie claire des jeux de données, de leur qualité, et des droits associés.
  • Souveraineté numérique : Structurer la gouvernance, c’est aussi défendre l’autonomie des entreprises et des institutions face aux géants technologiques extra-européens.

Quels impacts concrets sur les entreprises et les organismes publics ?

Un changement de culture, pas seulement un défi technique

La gouvernance, ce n’est pas uniquement mettre en place des logiciels ou une équipe DPO. Elle impose à toutes les parties prenantes de modifier leur façon d’appréhender la donnée :

  • Former et sensibiliser tous les métiers : RH, marketing, R&D, DSI…
  • Cartographier les données (Data Discovery), les traiter selon leur criticité, leur sensibilité, leur valeur métier
  • Mettre en place des workflows d’accès et de partage respectant la traçabilité
  • Auditer régulièrement les process et revoir les politiques internes
  • S’appuyer sur des outils spécialisés (Data Catalog, Master Data Management, Data Loss Prevention…)

Focus sur la France : maturité, obstacles et bonnes pratiques

Selon une étude menée par Odoxa-OpenDataSoft pour Arkema, 67 % des entreprises françaises jugent leur management des données insuffisant face aux exigences réglementaires (source : OpenDataSoft). Les principaux obstacles identifiés :

  1. Complexité des règlementations et manque de ressources pour les interpréter
  2. Méconnaissance des jeux de données détenus
  3. Manque de transversalité entre métiers (data silos)
  4. Difficulté d’automatisation des contrôles

Toutefois, des démarches inspirantes émergent :

  • Création de « Data Offices » transversaux
  • Déploiement de data catalogs comme Talend, Collibra ou DataGalaxy
  • Recours à des audits et certifications réguliers
  • Développement de partenariats avec des “clouds de confiance”

Exemple : la gouvernance des données et l’IA générative

Avec la montée en flèche de l’IA générative (ChatGPT, Gemini, etc.), la gouvernance data devient vite incontournable. Euroclear, acteur financier européen, a développé dès 2023 une charte pour l’usage raisonné de l’IA, incluant :

  • Inventaire des données utilisées pour entraîner les modèles
  • Documentation systématique de la source et du cycle de vie des data
  • Processus de validation et d’explicabilité des traitements
  • Mécanismes d’audit et de protection contre la fuite ou les biais

Ce genre d’initiative répond aux attentes du futur AI Act européen, qui mettra l’accent, dès 2024-2025, sur la “data governance” appliquée à l’intelligence artificielle (AI Act).

Comment avancer ? Conseils pour une gouvernance efficace et compatible

  • Établir une politique claire : Rédiger charte et politique de gouvernance. Les adapter à la fois à la législation nationale et européenne, mais aussi au contexte propre de l’organisation.
  • Mettre la donnée au cœur de la stratégie : Fixer des objectifs partagés par la direction et par les métiers, avec des KPI sur la qualité, la sécurité, la valorisation et la conformité.
  • S’appuyer sur des outils adaptés : Solutions de data catalog (Collibra, DataGalaxy), de gestion des accès (OneTrust, Evidian), de vérification automatique de conformité (Ex: Varonis, Datadome pour la sécurité).
  • Former et sensibiliser en continu : Intégrer la gouvernance et les enjeux légaux dans les formations, pas seulement pour les DSI mais pour tous.
  • Auditer et s’entourer de partenaires qualifiés : Recourir à des certifications (HDS, ISO/IEC 27001), à des audits externes réguliers et à des prestataires spécialisés.

Et demain ? Évolutions attendues et nouveaux défis

À court terme, la tendance se confirme : la gouvernance, longtemps perçue comme contrainte ou “boîte noire”, devient un véritable levier de création de valeur et de différenciation. La multiplication des réglementations sectorielles (finance, santé, e-commerce), la poussée de l’IA et la transition vers l’économie des données en font un enjeu central.

Face à des acteurs mondiaux parfois peu scrupuleux, la France et l’Europe testent un modèle exigeant et vertueux. Les entreprises qui relèveront le défi de la gouvernance, en s’appuyant sur des solutions éprouvées et sur une culture partagée, transformeront la contrainte réglementaire en atout stratégique.

La prochaine décennie pourrait bien voir émerger des champions européens du data management, à condition d’investir et de transformer sans attendre. La gouvernance des données n’est plus un sujet réservé à la DSI ou aux juristes, mais bien un pilier du numérique « souverain, responsable et innovant » dont la France et l’Europe veulent être fer de lance.

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