Comment l’automatisation change la donne dans les métiers du digital en France

L’automatisation s’impose dans la sphère numérique. Des campagnes marketing aux tâches administratives en passant par l’analytics, la quasi-totalité des métiers du digital est touchée. L’automatisation ne s’y limite plus aux robots ou à la data : on parle désormais d’outils capables de générer du contenu, d’analyser des leads, de personnaliser massivement l’expérience client ou d’assister les équipes dans leurs reportings.

En 2023, selon le baromètre France Digitale, 68% des entreprises numériques françaises utilisaient déjà au moins une solution d’automatisation pour leur marketing ou leur relation client (France Digitale). Du côté des start-ups, près d’une sur deux a automatisé au moins un pan de son back-office pour réduire les tâches chronophages et accélérer son time-to-market.

Dans ce contexte, l’automatisation ne se résume plus à un simple « plus » d’efficacité : elle modifie en profondeur l’organisation des équipes, la structuration des projets et la nature même des missions confiées aux professionnels du digital.

Certains métiers du digital voient déjà leurs contours redéfinis. Trois grandes familles de fonctions sont en première ligne.

• Marketing digital : Les campagnes d’emailing, la segmentation, la gestion des leads ou le scoring client sont largement automatisées via des plateformes comme HubSpot, ActiveCampaign ou Brevo. Selon le rapport « Digital Marketing Trends 2024 » de Statista, plus de 71% des marketeurs français déclarent utiliser des outils d’automatisation chaque semaine.
• Gestion de contenu et SEO : L’optimisation SEO se dote d’outils qui analysent les SERPs, génèrent des briefs, proposent et programment les contenus (par exemple, SEMrush, SurferSEO). L'automatisation du reporting et de la veille concurrentielle permet aux Content Managers de se concentrer sur la stratégie plutôt que sur la production brute de données.
• Relation client et support : Les chatbots, FAQ dynamiques et solutions d’automatisation des tickets (Zendesk, Crisp, Intercom) traitent déjà plus de 50 % des demandes basiques sur certains sites e-commerce français (source : Fevad 2023).

Même les métiers techniques (développeurs web, datascientists) bénéficient de l’automatisation : déploiement en continu, intégration automatisée (CI/CD), scripts pour la surveillance des incidents, etc.

L’argument du « temps gagné » n’est que la partie émergée de l’iceberg. L’automatisation redéfinit l’expertise attendue dans le digital. La veille stratégique, la créativité, la capacité d’interpréter les résultats deviennent capitales, tandis que la simple exécution s’efface.

• Moins de temps passé sur la routine : Le « no-code » démocratise l’automatisation et permet à des profils non techniques d'automatiser certaines tâches sans savoir coder. Selon McKinsey (2024), les entreprises françaises pourraient économiser jusqu’à 25 % de temps de travail sur les tâches digitales récurrentes.
• Montée en compétence nécessaire : Les métiers se déplacent vers des missions à plus forte valeur ajoutée : analyse, créativité, pilotage de projets transverses.
• Une demande accrue de profils hybrides : Les entreprises cherchent des profils à la fois métier (marketing, vente, relation client…) et technique (gestion de workflows automatisés, sélection et paramétrage d’outils).

On observe ainsi une évolution des fiches de poste, mais aussi des formations, qui intègrent aujourd’hui la maîtrise des outils d’automatisation comme prérequis.

Le spectre de la destruction d’emplois reste vivace. Selon l’étude “L’impact de l’automatisation sur l’emploi” publiée par le Conseil d’Orientation pour l’Emploi (COE) en juin 2023, 15% des postes du secteur numérique seraient susceptibles d’être en partie ou totalement automatisés à horizon 2028. Mais ce chiffre recouvre surtout une transformation des métiers plutôt que leur disparition pure et simple.

Certains chiffres sont révélateurs :

• 80% des professionnels du digital français estiment que l’automatisation leur a permis de développer de nouvelles missions, non prévues initialement dans leur fiche de poste (Cadremploi, 2023).
• D’après LinkedIn France, les offres d’emploi comportant le mot-clé « automatisation » ont progressé de +32% sur 2023. Les compétences recherchées touchent notamment l’intégration d’outils low-code, les workflows automatisés ou l’optimisation de processus métiers.

Le phénomène le plus tangible : le glissement vers des tâches hybrides. Un Traffic Manager doit par exemple aujourd’hui maîtriser l’automatisation des reporting tout en sachant interpréter rapidement les anomalies pour ajuster les stratégies à la volée.

Quelques exemples d’outils qui, selon leur adoption rapide, modifient concrètement le travail quotidien dans le digital :

• Zapier : Le champion du « no code » pour automatiser quasi n’importe quel workflow entre applications (marketing, CRM, analytics, emailing…).
• Make (ex-Integromat) : Utilisé par des agences digitales pour automatiser l’envoi de reporting clients en croisant des dizaines de sources.
• PhantomBuster : Très populaire auprès des Growth Hackers et des Sales, cet outil automatise la prospection sur LinkedIn, l’extraction de leads et la diffusion de messages personnalisés à grande échelle.
• RPA (Robotic Process Automation) français comme UiPath : S’imposent dans les grandes entreprises pour automatiser des tâches administratives complexes, par exemple la génération de bulletins de paie, la réconciliation bancaire ou la validation de documents.

Pour aller plus loin, certains outils font aujourd’hui partie du panier de base du digital worker : Slack pour l’automatisation des notifications, Trello pour les relances automatiques de projets, ou encore Google Data Studio couplé à des automatisations pour générer des dashboards « live ».

Face à cette mutation, de nouveaux métiers gagnent du terrain, tandis que d’autres se transforment. L’automatisation fait émerger des besoins inattendus, comme la création de « chefs d’orchestre » de l’automatisation.

Les écoles et organismes de formation commencent à proposer des modules entiers de paramétrage d’automatisations ou d’orchestration des outils digitaux, preuve que le marché anticipe déjà les besoins de demain (MyDigitalSchool, 2023).

Automatiser n’est plus une simple option pour gagner du temps : c’est un passage obligé pour rester compétitif, que l’on soit freelance, salarié ou dirigeant. Les enjeux principaux relevés par les professionnels du digital interrogés par Silicon.fr en 2023 sont :

• Meilleure allocation du temps : Se concentrer sur l’innovation, les orientations stratégiques et les missions créatives.
• Utilisation optimale des flux de données : Les outils d’automatisation sont plébiscités pour la collecte et la restitution quasi-immédiate d’indicateurs clés.
• Risques de déshumanisation ou d’erreurs propagées à grande échelle : L’automatisation nécessite une vigilance accrue sur la qualité des data et la supervision des process.
• Besoin d’un cadre réglementaire clair : S’assurer que les workflows automatisés restent conformes au RGPD et aux normes françaises, enjeu crucial pour la confiance et la pérennité des équipes digitales.

La France observe une accélération de la spécialisation autour de la data, du pilotage d’automatisations et de la supervision des process « intelligents ». Face à l’automatisation, la complémentarité entre l’humain et la machine s’impose : créativité, analyse critique, pilotage éthique ne peuvent être automatisés à 100 %.

Si l’automatisation bouleverse certains métiers, elle multiplie aussi les opportunités : développement rapide de nouveaux marchés, émergence de formations dédiées, refonte des modes de collaboration. Ce tournant constitue un formidable levier pour les professionnels du numérique capables de s’adapter et de tirer parti de ces nouveaux outils, tout en restant vigilants sur la dimension humaine et stratégique de leur métier.